Un mois après mon arrivée en Angleterre, je suis tombée malade.
J’ai donc fait ce que n’importe qui ferait : j’ai appelé un médecin pas trop loin de chez moi pour prendre rendez-vous. Malheureusement, en Angleterre, les choses ne sont pas aussi simples.
« Bonjour, je voudrais prendre RDV avec un médecin siouplaît.
- Votre nom ? … Vous êtes pas inscrite chez nous. Vous devez donc venir ici pour vous inscrire au cabinet. Quelle est votre adresse ? … Bon, de toute façon on refuse les patients qui habitent au-delà de Machin Street, donc vous êtes pas dans notre rayon, faudra chercher un autre cabinet.
- Ah bon. Mais j’habite la rue juste en face. C’est que je veux juste voir un médecin. Je suis malade et…
- Bah non, pas chez nous. Au revoir ! Raccroche »
Ca, c’est fait. Bon, j’appelle donc un autre numéro.
« Bonjour, je voudrais prendre RDV avec un médecin siouplaît.
- Votre nom ? … Vous êtes pas inscrite chez nous. Faut que vous veniez vous inscrire. Venez au cabinet. Raccroche »
Ca, c’est re-fait.
Je me déplace donc jusqu’au cabinet, où une queue d’environ 20 personnes s’étend devant la réception dans une salle surchauffée au moins à 50°C. Je suis à deux doigts de clamser, mais je me mets docilement dans la file. Deux heures et 80% de patience en moins, c’est mon tour. On me donne un questionnaire médical à remplir et aussi un flacon vide à remplir. Il est ici nécessaire de préciser les informations requises sur le questionnaire pseudo-médical : êtes-vous obèse ? Fumez-vous ? A quelle ethnicité appartenez-vous ? Quelle est votre orientation sexuelle ? Quelle est votre religion ? Avez-vous de l’asthme ? Avez-vous commis des crimes passibles de peines de prison ? Bref. Je remplis mes deux tâches et reviens vers la réceptionniste.
« Bon je peux prendre RDV maintenant ?
- Ah non, pour voir un médecin, faut appeler le matin, à 8h, et on vous donnera un RDV le jour même. »
Bon. Je me dis, il est vendredi, je vais morfler tout le week-end sans voir un médecin, pas de souci. Lundi matin 8h, j’appelle. Evidemment et de façon prévisible, ça sonne occupé. Et occupé. Et occupé. Et occupé… A 8h15 je réussi enfin à avoir une réceptionniste au bout du fil. « Comment puis-je vous aider ?
- Bonjour je voudrais prendre RDV avec un médecin siouplaît.
- Ah bin désolée mais aujourd’hui ça va pus petre possible, tout est pris. Rappelez demain ! »
Notez que je garde mon calme. Mardi matin, agonisant, je rappelle. Après plusieurs tentatives infrucuteuses, enfin, ça passe, la réceptionniste : « Comment puis-je vous aider ?
- Bonjourjeveuxvoirunmédecin siouplaît !!!!
- Ah bin non aujourd’hui ya pus de place. Faut réessayer demain.
- Oui alors là ça va pas être possible parce que là ça fait plusieurs jours que j’essaie de voir un médecin et ça peut pus attendre.
- Bin non on a pus de place. Si vous voulez, vous pouvez parler à un docteur au téléphone, il vous dira que faire. Rappelez à 9h45 »
A 9h45, très légèrement énervée, je rappelle. « Je veux parler au docteur de garde-téléphone siouplaît.
- OK attendez une minute (musique classique énervante).
- Bonjouuur ici un docteur à la voix de secrétaire-salope, que puis-je pour vous ?
- Bah voilà, j’suis malade, j’ai ci et ça.
- Ah bin faut venir, oh ! Un rendez-vous à 11h, ça vous va ? »
GNNNNNN…..
Quant au frottis, c’est une expérience assez intéressante. Ces actes médicaux d’un caractère si agréable sont exécutés par des infirmières. Ne vous méprenez point : j’aime les infirmières (enfin pas les infirmières belges, mais c’est une autre histoire). Mah alors lorsque j’arrivai au cabinet un jour ultérieur pour faire le dit frottis, c’est Nurse Emma qui m’accueillit avec un charmant « vous voulez un chaperon ? » Gnein ? « Oui, un chaperon, une personne femelle pour préserver vos apparences religieuso-culturelles.
- Bah, non, mais vu ta tête, j’aimerais bien avoir un témoin quand même, en cas d’erreur médicale, je pense que ça va aller merci. »
Bref, par manque de fonds, les chaises gynécologiques, ici, ça n’existe pas. Alors comment, me direz-vous ? C’est simple, il faut adopter une position yogique compliquée (je vous invite à googler « Karnapidasana », ça vous donnera une idée.) Quant à la délicatesse, faudra r’passer.
Enfin, si vous avez le malheur de devoir faire une prise de sang, soyez prêts à parcourir toute la contrée à la recherche d’une infirmière qui voudra bien la faire.
La procédure est de parcourir un hôpital après l’autre pour voir qui a de la place, faire la queue pendant environ trois heures dans une salle d’attente bondée et surchauffée où, si vous avez autant de chance que moi, une mémé vous vomira sur les pieds, puis on fera entrer dans un placard où une infirmière vous fera la prise de sang d’une main… limite en faisant une prise de sang à quelqu’un d’autre avec l’autre main.
Mais tout le monde s’étonne malgré ça que les hôpitaux de Calais soient bourrés d’anglais ! Certainement pour la douceur légendaire de nos propres infirmières.
Illustrations: Caroline Herbelin. Reproduction interdite.